C’est le 13 juillet 1683 qu’a été réceptionné le premier orgue de Notre-Dame, construit par le facteur d’orgue Dominique Baron, originaire de Metz – où, un moment organiste de la cathédrale, il est qualifié “d’insigne organiste” sur un acte de baptême lors duquel il était parrain - et résidant à Lyon. Cet orgue, dont il subsiste environ 500 tuyaux dans l’instrument actuel, comportait 14 jeux sur un clavier et demi. Le devis de cet instrument est connu : il mêle quelques archaïsmes à certaines influences flamandes. C’est pour recevoir l’orgue de Dominique Baron que la tribune de Notre-Dame a été mise dans la configuration que l’on connaît encore aujourd’hui : une avancée bien visible, portant la date de 1682, a été édifiée, recevant un somptueux parement sculpté. Cette disposition permit de libérer complètement l’arrière de la tribune, réservé à la manutention éventuelle des cloches, et à la descente des cordes qui les actionnaient.
Le devis de ce chantier de maçonnerie est également connu. Il est à noter que deux projets successifs avaient été présentés, le second, remplaçant purement et simplement le premier, comportait les deux avancées latérales semi-circulaires que l’on voit encore, destinées à ménager deux emplacements « pour poser des pédales et par là enrichir le jeu d’orgues ». Cette tradition des “trompes” de Pédale, remontait au moyen âge : elles consistaient en deux faisceaux des grands tuyaux, destinés à jouer des notes graves, au moyen des pieds. L’orgue de la cathédrale de Metz, qu’avait tenu Dominique Baron, en comportait à l’époque. On peut donc penser que c’est lui qui en donna l’idée à Bourg, idée qui aurait d’ailleurs semblé bien archaïque à Paris à cette même date !
Alors que l’orgue de Baron avait coûté 3000 livres, c’est au facteur d’origine Pierre Feaugat, originaire d’Auch et résidant à Charlieu, que l’on s’adresse pour un chantier de 900 livres, suivant devis – perdu – du 26 novembre 1685, et pour lequel il reçoit quittance le premier septembre 1687. Baron, occupé à construire l’orgue de Tournon, était-il indisponible ? Vu l’importance de la somme versée à Feaugat, ne peut on pas supposer qu’elle correspond à la construction des fameuses trompes de pédales, pour lesquels la tribune avait été somptueusement aménagée en 1682 ? Il semble qu’aucun document ne permette à ce jour de trancher.Par ailleurs, il semble que les travaux de Feaugat n’aient pas connu, d’une manière générale, une grande longévité. Ces trompes, hypothétiques, et plus jamais mentionnées par la suite auraient-elles été démontées quelques années après ?
C’est cet instrument qui, tant bien que mal, au fil de diverses réparations (on se plaint des dégâts causés par les rongeurs et par la poussière, au point de ménager un accès à l’orgue par l’intérieur de l’église, sans passer par l’escalier montant au clocher) servira jusqu’en 1835. On s’adresse alors à Claude-Ignace Callinet, en vue de la reconstruction de l’instrument. Zeiger, alors instituteur à Lyon, et futur facteur d’orgues (on lui devra plusieurs grands instruments, dont ceux de St Polycarpe de Lyon, de Lorgues (Var), et de la cathédrale de Chambéry, récemment restauré) qui avait été instituteur à Rouffach, où était installé l’atelier des Callinet, semble avoir rempli à cette occasion le rôle d’agent commercial. Il s’agissait d’un orgue comportant 26 jeux sur deux claviers – Grand-Orgue, et Récit – et pédalier de 18 notes seulement. On regretta à l’époque de ne pouvoir lui adjoindre un clavier supplémentaire de Positif de dos – ainsi nommé car sa boiserie, dont l’installation aurait causé la disparition de la partie centrale de la balustrade, se situe immédiatement dans le dos de l’organiste lorsque celui est installé à ses claviers. Pourtant, sa disposition, enrichie d’un jeu de Bombarde au clavier de Grand-Orgue, payé par l’organiste Mougin, et dont il restait propriétaire - montre qu’il était conçu pour obtenir un grand effet avec des moyens relativement restreints.
Un travail de mise au goût du jour par les établissements Beaucourt, de Lyon fut réceptionné le 18 avril 1861, introduisant certaines sonorités adaptées à la littérature romantique en cours de création. Cet agrandissement est malheureusement l’occasion d’ajouts de boiseries assez disgracieuses, de part et d’autres et au dessus du buffet de Callinet, qui ne disparaîtront qu’a la reconstruction de1981.
L’arrivée à Bourg, en 1899, de M. Henri Lenormand, de Mâcon, âgé de seulement dix-huit ans, allait changer les destinées musicales de Notre-Dame, et de son orgue. Venu en catastrophe accompagner un mariage, juste après le décès de l’organiste Grégory, il fut immédiatement retenu par le clergé pour le poste d’organiste de Notre Dame, qu’il occupa jusqu’en 1960. Fin musicien, issu, de l’école Niedermeyer, à Paris, il mit son talent au service de sa paroisse et de la cité de Bourg, jouant, accompagnant, organisant sans cesse des concerts dans les formations les plus diverses.C’est lui qui obtint, dès 1901, la reconstruction de l’orgue de Notre-Dame par le facteur d’orgues Charles Didier-Van Caster, de Nancy. Considérablement enrichi, réparti sur trois claviers, disposant de toutes les ressources nécessaires, l’orgue de Notre-Dame changeait d’époque.
Malheureusement, en le 11 août 1927, un orage très violent endommage les verrières situées derrière l’orgue, qui est inondé. D’importantes réparations sont nécessaires pour réparer les dégâts. On profite des cette occasion pour s’orienter vers une reconstruction par la maison Michel-Merklin et Kuhn, de Lyon. Les transmissions sont passées en système pneumatique. D’autre part, l’instrument, disposé de façon peu favorable à l’émission du son, est couronné d’un bâti recouvert d’une protection en zinc, pour parer à l’éventualité d’un nouveau dégât des eaux. Ces options constitueront finalement autant de handicaps pour cet instrument, qui laissa le souvenir d’une belle sonorité, mais quelque peu lointaine.
A bout de souffle, l’orgue de Notre-Dame fut finalement totalement reconstruit entre 1976 et 1981 par les facteurs Philippe Hartmann et Jean Deloye : reconstruction du grand buffet de Callinet, dont il ne restait que la façade, établissement d’un buffet de positif de dos, dont la façade préserve la balustrade classée Monument Historique, construction d’une traction mécanique neuve, restauration de la tuyauterie existante, compléments de tuyauterie neuve, dont une Flûte ouverte de 32 pieds, disposition comportant 42 jeux sur quatre claviers et pédalier.
Grâce aux talents de MM. Hartmann et Deloye, la Co-Cathédrale Notre-Dame de Bourg dispose désormais d’un orgue exceptionnel, de par le relief de ses sonorités et l’acoustique qui l’entoure, sa composition permettant d’aborder l’ensemble du répertoire de l’orgue. La majesté de son plein-jeu, la magie de ses fûtes, la splendeur de son chœur d’anches, la profondeur de son tutti, répondent merveilleusement au volume sonore de la nef de Notre-Dame.
Un chantier de relevage (nettoyage complet, révision complète, changement des pièces d’usure, accord général) a été mené à bien en 2006 par les Ets Jean Deloye (Meilleur Ouvrier de France), financé par la Ville de Bourg, avec participation de la Paroisse Notre-Dame et du Lyons Club Doyen, a récemment redonné tout son éclat à ce magnifique instrument.
Pierre-François Baron, organiste
Responsable du Grand-Orgue de Notre-Dame de Bourg